La tradition d’élever des croix de chemins et des calvaires remonte aux lointaines origines de la Bretagne, alors que les druides y érigeaient des menhirs pour sacraliser certains lieux. Avec l’évangélisation, on substitue ces symboles en les remplaçant petit à petit par des croix sur les lieux de sépulture et les routes, le plus souvent aux carrefours des chemins.
En Nouvelle-France, les premières croix plantées signifient d’abord la prise de possession du territoire par le roi de France. Ensuite, les croix de chemin font leur apparition au fur et à mesure de l’ouverture de nouveaux chemins, souvent pour délimiter les paroisses, mais aussi pour commémorer un événement ou faire un souhait particulier.
On ne plante pas une croix au hasard, on choisit un emplacement élevé, une butte aux croisements des chemins, pour qu’on l’aperçoive de loin. Les croix de chemin permettent aux cultivateurs éloignés de se recueillir l’espace d’un instant entre les travaux des champs qui les retiennent. Ils y récitent une prière à défaut de se rendre à l’église et pourquoi pas aussi demander une température clémente pour le lendemain ou la guérison d’un membre de la famille.
Il y a plusieurs types de croix, outre les calvaires, il y a les croix simples et les croix aux instruments de la passion. Les croix présentées ici sont situées en bordure des routes et des rangs du Kamouraska. Elles sont le reflet d’une dévotion particulière du milieu rural d’autrefois. Entretenue encore aujourd’hui pour la plupart, elles rappellent un événement, symbolisent parfois un voeu ou marquent l’ouverture d’un nouveau rang. Ces croix répondent à l’expression d’un comportement de religion populaire contrairement aux croix qu’on trouve dans les cimetières qui sont érigées par l’administration de la Fabrique.
Il y a entre 2 500 et 3000 croix de chemin au Québec, dans la région du Kamouraska, il en reste un peu plus d'une vingtaine, certaines sont érigées sur des montagnes, d’autres parsèment les routes et les rangs de la région. Elles sont le fruit de l’expression populaire des artisans et représentent des coutumes religieuses anciennes. Il y a quelques années encore, on y récitait des prières à défaut de se rendre à l’église. Ceux qui les entretenaient et s’y recueillaient se sentaient protégés et bénis. Une grande partie des croix portent d’ailleurs les noms des familles propriétaires des terrains ou se trouvent les croix. Par tradition, certains descendants entretiennent encore aujourd’hui des croix de chemin érigées par leurs ancètres. Souvent déplacées en raison d’une correction routière, plusieurs croix retrouvent leur beauté d’antan grâce aux soins de la communauté. Les habitants d’une section de rang, la municipalité ou les organismes sociaux s’impliquent alors pour entretenir les croix de leur paroisse. Comme la majorité d’entre elles sont faites de bois, elles nécessitent un entretien régulier à tous les vingt ans en moyenne. Généralement refaites sur le modèle de l’ancienne, les croix se succèdent l’une après l’autre sur le même site. On la remplace parfois par une croix de métal illuminée. Il arrive même parfois qu’on oublie avec le temps la date exacte de la première bénédiction du site, aussi certaines d’entre elles témoignent des histoires et des légendes locales qui se forment au fil des ans.