Le verger expérimental de Jean-Charles Chapais
Jean-Charles Chapais, fils de marchand, est surtout connu dans la région pour son implication dans le développement de l'industrie laitière. Précurseur, il fonde en 1881 la première École d'industrie laitière au Canada. Ses activités et son engagement pour le développement de l'agriculture et de l'arboriculture fruitière l'amènent à planter un verger expérimental à Saint-Denis de Kamouraska. Il est convaincu de la pertinence de la culture fruitière dans la partie orientale de la province de Québec. Sa confiance en l'avenir de cette culture est basée sur les expériences de certains arboriculteurs de la région, dont Auguste Dupuis et Amable Morin de Saint-Roch-des-Aulnaies.
Maison natale de Jean-Charles Chapais, fils. Maison-magasin de Jean-Charles Chapais, père
Verger en bordure du chemin principal, Saint-Denis de Kamouraska
En 1889, il entreprend de planter des variétés de pommes greffées, qui, aux dires de plusieurs ne peuvent réussir dans une localité aussi éloignée et exposée aux grands vents du nord. Quarante-quatre variétés de pommes choisies pour leur rusticité sont plantées sur deux arpents de terre, avec des pruniers, des poiriers et des cerisiers et des petits fruits. Il nous livre les résultats de ses expériences dix ans plus tard: en 1899 et trente ans plus tard: en 1919.
Les meilleures variétés plantées dans son verger depuis dix ans (1889-1899):
Poire: Beauté Flamande
Pommes: Alexandre, Duchesse d'Oldenburg, English Golden Russet, Fameuse, Grandmother, Hare, Pipka, Longfield, McIntosh Rouge, Pêche de Montréal, Astrachan Rouge, Saint-Laurent, Titovka, Transcendante et Whitney .
Prunes: Damas bleues, Jaune hâtive, Reine-Claude de Montmorency, Trabische.
Cerises: Richmond hâtive, Cerise de France (sur pied franc), Impératrice Eugénie, Montmorency, Ludovka
Petits fruits recommandés:
Fraises rouges: Sharpless
Fraises blanches: Blanche des Alpes
Gadelles blanches: Raisin blanc
Gadelles noires: Champion, Étoile du nord
Gadelles rouges: Étoile du nord, Versaillaises
Groseilles blanches: Chautauqua, Colombus, Downing, Prolifique dorée, Keepsake, Pearl et Smith
Groseilles rouges: Lancashire Lad, Industry, Houghton Seedling
Framboises rouges: Anvers, Malboro
Framboises jaunes: Golden queen, Framboises blanches (Françaises)
Vingt ans plus tard, en 1919, Jean-Charles Chapais fait à nouveau le point sur l'état de ses arbres fruitiers, leur productivité et leur rusticité ayant été rudement mise à l'épreuve. Trois hivers de grands froids, en 1895-96, en 1903-1904 et en 1917-1918 furent d'une rigueur extrême détruisant plusieurs vergers de la province. Malgré ces aléas de la nature, tous ses pommiers survivent et déjouent les prédictions des plus pessimistes. Suite à ses propres expériences, il réalise une courte liste des meilleures variétés de pommes d'été, d'automne et d'hiver pour les besoins alimentaires des cultivateurs de la région. Selon lui, le petit verger à l'usage de la famille devrait inclure des pommiers pour chacune des saisons indiquées, sans toutefois planter un trop grand nombre de variétés.
Liste des pommes et pommettes recommandées:
Saison Ier choix 2e choix
Été (variétés hâtives) Astracan rouge Jaune transparente
Été (variétés tardives) Lowland Rasberry Fraise hâtive
Whitney (pommettes) Transcendante (pommettes)
Automne (variétés hâtives) Duchesse Pêche de Montréal
Automne (variétés tardives) Alexandre Wolfe River
Beauté de Montréal (pommettes)
Hiver (variétés hâtives) Wealthy Fameuse
Hiver (variétés tardives) Scott d'hiver Northwest Greening
Jean-Charles Chapais recommande d'abriter les vergers de la région avec un brise-vent. Son propre verger est lui-même entouré des côtés nord et nord-est d'où viennent les vents les plus dangereux.
Ardent défenseur et promoteur de la culture fruitière dans notre région, il a toujours encouragé les cultivateurs de la région à produire des fruits et des légumes pour le marché extérieur. Selon lui, contrairement aux croyances des horticulteurs de l'ouest de la Province, les chances d'un succès commercial pour les producteurs de l'est existent réellement. Certaines productions auraient avantage à dépasser les limites du commerce local à condition de bien les choisir. D'après ses calculs, les prunes, les cerises, les fraises et les asperges de la région pourraient être expédiées sur le marché américain en tant que « primeurs tardives », en raison de la différence de maturité des fruits de notre région. Nos succès commerciaux dépendent du choix des variétés cultivées et des relations avec les grandes villes de la Nouvelle-Angleterre.
Les efforts de Jean-Charles Chapais au tournant du siècle pour l'amélioration et la diversification de la production agricole demeurent encore aujoud'hui un exemple de tenacité, de volonté et de créativité.
Pour en savoir plus:
Sur les expériences de Jean-Charles Chapais:
Jean-Charles Chapais, « Un verger expérimental dans le nord, en 1899 », Rapports de la Société de Pomologie et de Culture Fruitière de la Province de Québec, 1900, p. 14-21.
Jean-Charles Chapais, « Arboriculture et horticulture », Rapports de la Société de Pomologie et de Culture Fruitière de la Province de Québec, 1901, p.113-115.
Jean-Charles Chapais, « Mon opinion après trente ans de culture des pommes dans l'est du Québec », Rapports de la Société de Pomologie et de Culture Fruitière de la Province de Québec, 1919, p.94-98.
Sur la culture des fruits au Québec:
Martin, Paul-Louis. Les fruits du Québec. Histoire et traditions des douceurs de la table. Québec, Les Éditions du Septentrion, 2002, 219 p.
Martin, Roland. Amable Morin, notaire de chez-nous. Cahiers d'histoire, no.11. La Société Historique de la Côte-du-Sud. La Pocatière, 1976.
Pétraz, F. De la culture des arbustes fruitiers. Bulletin no 63. Ministère de la province de Québec. Service de l'Horticulture. 1919, 80 p.
Provancher, Léon. Le verger, le potager et le parterre. Troisième édition. Québec, Darveau imprimeur, 1874, 332 p.
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